Cauris : petits coquillages, grande symbolique

Cauris : petits coquillages, grande symbolique

Introduction sur les cauris

Les cauris sont de petits coquillages univalves marins de forme ovoïde. Ils ont été utilisés comme monnaie d'échange dans de nombreuses régions d'Afrique, d'Asie et d'Océanie.

Les cauris proviennent principalement de deux espèces de mollusques : Cypraea moneta et Monetaria moneta. Ils sont récoltés vivants sur les côtes de l'océan Indien, notamment aux Maldives. Leur forme caractéristique et leur brillance en ont fait des objets de commerce appréciés.

Les cauris ont joué un rôle monétaire majeur en Afrique de l'Ouest entre le XIIe et le XXe siècle. Ils étaient utilisés pour les transactions commerciales et le paiement de l'impôt. Leur valeur était déterminée par leur taille et leur rareté. Les Monetaria moneta ont également servi de monnaie rituelle, notamment pour le paiement de la dot et les compensations matrimoniales.

Dans de nombreuses cultures africaines, les cauris étaient dotés d'une forte charge symbolique. Ils représentaient la fécondité, la richesse et le statut social. Les cauris ornaient les vêtements, les bijoux et les objets rituels. Aujourd'hui, ils sont encore utilisés dans l'artisanat africain et l'art contemporain comme témoignage de leur riche histoire monétaire et culturelle.

Origine et fabrication des cauris

Les cauris sont fabriqués à partir de coquillages marins appelés cypraea moneta, cypraea annulus ou cypraea caputserpentis. Ces mollusques se trouvent dans les eaux tropicales de l'océan Indien, notamment autour des îles Maldives, et dans le Pacifique près de la Nouvelle-Calédonie.

La récolte des coquillages se faisait traditionnellement par des plongeurs locaux qui ramassaient les cypraea sur les fonds marins peu profonds. Aujourd'hui, ce sont surtout des bateaux de pêche industrielle qui capturent ces mollusques dans leurs filets.

Pour transformer les coquillages en cauris, il faut d'abord les faire bouillir pour détacher l'animal de sa coquille. La coquille est ensuite polie et lustrée pour obtenir la forme et l'apparence caractéristiques des Monetaria moneta. Des percements sont également réalisés à l'une des extrémités de la coquille pour pouvoir l'enfiler sur un cordon.

Utilisations monétaires des Cauris

Les coquillages cauris ont été très largement utilisés comme système monétaire d'échange en Afrique et en Asie. Leur petite taille et leur résistance en faisaient un moyen de paiement idéal.

Ils présentaient de nombreux avantages par rapport aux pièces métalliques:

- Faciles à transporter en grande quantité

- Difficiles à contrefaire

- Relativement uniformes en taille et en qualité

- Durables et résistants à l'usure

Les cauris ont circulé comme monnaie courante dans de vastes zones géographiques. En Afrique de l'Ouest, ils étaient acceptés de la Mauritanie jusqu'au Cameroun. En Afrique de l'Est, leur usage s'étendait du Soudan à la Tanzanie.

Leur valeur était variable selon les régions mais extrêmement stable dans le temps. Au 19ème siècle, la valeur d'un cauri oscillait entre 1/50ème et 1/500ème de thaler selon les zones.

Les Monetaria moneta ont continué à être utilisés comme système monétaire jusqu'au 20ème siècle dans certaines régions reculées d'Afrique et asiatiques. Leur usage monétaire n'a été supplanté que progressivement par l'introduction des pièces et des billets par les puissances coloniales européennes.

Usages rituels et symboliques des coquillages Cauris

Les cauris ont longtemps eu une grande importance symbolique et rituelle en Afrique. Ils étaient notamment utilisés dans les rites initiatiques pour marquer le passage à l'âge adulte. Lors de ces cérémonies, les jeunes garçons et filles devaient porter des colliers ou des ceintures faites de cauris.

Les coquillages cauris étaient également offerts en offrande aux divinités et aux ancêtres. Leur couleur blanche symbolisait la pureté et leur forme en spirale la continuité de la vie. Ils étaient ainsi déposés sur les autels ou les tombes lors de cérémonies religieuses.

Les bijoux en cauris ont également une forte charge symbolique. Ils sont souvent portés par les femmes comme symboles de fécondité et de prospérité. Les Cypraea moneta assemblés en colliers, bracelets ou ceintures étaient censés favoriser la fertilité et attirer la chance.

Enfin, la spirale du cauri évoque le cycle de la vie et le renouvellement perpétuel. C'est pourquoi on les retrouve fréquemment comme motifs décoratifs sur des masques, des poteries ou des tissus traditionnels africains. Chargés de spiritualité, les cauris demeurent aujourd'hui encore des symboles importants dans de nombreuses cultures africaines.

Pratique de divination

Dans les milieux islamisés, les cauris servent à prédire l'avenir. Le consultant se rend chez le devin qui lui présente d'abord quatre cauris.

Le premier murmure tout bas ou pense seulement l'objet de sa visite et souffle ou crache sur les cauris.

 Le second peut demander à son client de les jeter ensuite. Selon la disposition des cauris, le devin se montre déjà capable, dès ce premier jet, d'augurer de bons ou mauvais résultats.

Il peut répéter le geste avec les quatre cauris seuls avant de les mélanger avec les autres et de procéder au déchiffrement de leur message.

Dans chaque famille wolof, surtout dans les villes, des femmes pratiquent la divination par les cauris.

Cet usage devient presque un passe-temps chez les femmes désœuvrées mais toujours avec un fond divinatoire.

À côté de cette catégorie se livrant plus à une activité ludique et distrayante, il existe de véritables cauristes professionnels.

La plupart des consultations tournent autour de thèmes habituels, d’évènements heureux ou malheureux, coutumiers ou autres : mariages, baptêmes, deuils, chance de recevoir de l'argent ou autres dons, voyages, état de concorde ou de désaccord.


Commerce et trafic des cauris

Les cauris ont été un élément essentiel du commerce et des échanges en Afrique. Ils étaient transportés sur de longues distances le long des routes commerciales traditionnelles.

Les principales routes du trafic des coquillages cauris reliaient les régions côtières de l'Ouest aux zones intérieures du Sahel et centrale. Les cauris étaient apportés par bateau depuis l'Asie du Sud-Est jusqu'aux comptoirs côtiers africains comme ceux situés au Ghana, au Nigeria ou en Côte d'Ivoire. Ils étaient ensuite acheminés par caravanes à travers le désert du Sahara jusqu'aux royaumes et empires du Sahel et du Soudan comme le Mali, le Songhaï ou le Kanem-Bornou.

Les volumes d'échanges étaient considérables. On estime qu'entre le XIe et le XVIe siècle, ce sont des centaines de millions de cauris qui ont transité entre l'Asie et du continent africain. Au plus fort de ce commerce, des caravanes de plusieurs milliers de dromadaires transportaient chaque année des dizaines de tonnes de cauris vers l'intérieur des terres.

Les principaux acteurs de ce vaste négoce étaient les commerçants musulmans, notamment les Wangara originaires du Mali et les Nord-Africains. Ils assuraient l'approvisionnement en coquillages cauris des Empires du Sahel qui les utilisaient abondamment comme système monétaire.

Ce commerce a eu des conséquences économiques majeures. Il a stimulé les échanges entre l'Afrique de l'Ouest et centrale. L'afflux massif de cauris a également favorisé le développement des royaumes africains en leur fournissant un système monétaire fort et en stimulant les activités commerciales. Toutefois, l'arrivée massive de cauris a aussi provoqué une importante inflation monétaire dans certaines régions du continent .

Déclin de l'usage des Cypraea moneta

L'usage des cauris comme monnaie a décliné à partir du XIXe siècle, pour plusieurs raisons:

- Concurrence d'autres systèmes monétaires : Les pièces européennes et les billets de banque se sont répandus sur le continent africain à cette époque. Mieux standardisés et plus pratiques, ils ont supplanté les Cypraea moneta pour les transactions commerciales.

- Interdictions coloniales: Les puissances coloniales ont souvent interdit l'usage des cauris pour affaiblir les économies locales et imposer leur propre système monétaire.

- Survivance dans certains pays: Malgré ces évolutions, les cauris sont restés en usage plus longtemps dans certaines régions reculées . Au début du XXe siècle, ils servaient encore de monnaie d'échange au Mali, au Burkina Faso ou en Mauritanie.

Ainsi, remplacés par des devises plus modernes et frappés d'interdit par les colonisateurs, les cauris ont progressivement cessé d'être utilisés comme système monétaire sur la majeure partie du continent africain, même s'ils ont persisté dans certaines zones isolées. Leur usage rituel et symbolique s'est quant à lui maintenu jusqu'à aujourd'hui.

Renaissance du cauris coquillage dans l'artisanat

Les cauris ont connu un regain d'intérêt ces dernières années dans l'artisanat africain. Ils sont notamment utilisés pour la confection de bijoux, d'instruments de musique, d'objets décoratifs et de souvenirs touristiques.

Les bijoux en cauris sont très populaires en Afrique de l'Ouest. On retrouve des colliers, des bracelets, des boucles d'oreilles ou encore des bagues serties de ces coquillages. Les Cypraea moneta sont appréciés pour leurs formes naturelles et leur aspect brillant. Ils sont souvent associés à d'autres matériaux comme le bois, les perles, les graines ou encore le cuir.

Certains artisans fabriquent également des instruments de musique ornés de cauris. On peut citer le shekere, une percussion composée d'une calebasse recouverte d'un filet décoré de Cypraea moneta. D'autres instruments comme le balafon ou la kora peuvent aussi être dotés d'éléments en cauris.

Les cauris sont aussi mis en œuvre dans la décoration d'objets d'art tels que des masques, des statuettes ou des tableaux. Ils apportent une touche d'originalité grâce à leurs formes uniques. On les retrouve collés ou suspendus sur ces œuvres artisanales.

Enfin, les coquillages cauris sont devenus des souvenirs populaires pour les touristes . On en fait des porte-clés, des magnets, des cadres ou encore des boîtes décoratives. Ils symbolisent un pan de l'histoire et de la culture du continent africain.

Ainsi, les Cypraea moneta ont retrouvé une place de choix dans l'artisanat contemporain grâce à leur esthétique singulière et à leur riche symbolique historique.

Le Mot de la Fin

Les cauris ont joué un rôle primordial dans l'histoire du commerce et des échanges du continent africain. Ces coquillages, pêchés en masse dans les mers du Sud, ont été introduits par les explorateurs et marchands européens dès le XVIe siècle.

Grâce à leurs qualités de résistance et leur disponibilité en grande quantité, les cauris sont rapidement devenus une monnaie d'échange courante du continent africain . Ils ont facilité les transactions commerciales sur le continent pendant des siècles.

Bien que leur usage comme système monétaire ait décliné au XXe siècle avec l'introduction de devises officielles, les cauris ont laissé une empreinte culturelle durable du continent africain. Ils sont fortement liés à des traditions spirituelles et font encore partie intégrante de nombreux rituels. On les retrouve également fréquemment dans l'artisanat traditionnel.

En résumé, malgré leur déclin en tant que monnaie, les cauris restent un symbole historique important du commerce pré-colonial du continent africain . Leur usage traditionnel perdure et témoigne de leur grande valeur culturelle sur le continent.